Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/607

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sauvé,

   Jugez à quel excez me doit porter la joye,
   D'un bien long-temps perdu, que le Ciel me renvoye;
   Mais ma bouche qu'emporte un premier mouvement,
   Veut tout dire à la fois, & parle obscurement,
   Alcandre donc, ma soeur, est cét homme admirable,
   Ce guerrier si vaillant, si grand, si redoutable....



Scène II


CLARICE, ELISE, ALCIONNE.


CLARICE.

   Ha Princesses! pleurez l'accident malheureux,
   Qui ravit à la Cypre un Prince genereux.
   Amintas ayant sceu que ton barbare Pere,
   Redoutoit Orosmane, & s'en vouloit défaire,
   Luy donnant ses habits pendant l'obscurité,
   L'avoit heureusement remis en liberté,
   Quand son Pere endurcy dans son dessein sinistre,
   S'est servy de la main d'un barbare Ministre,
   Qui blessant Amintas par ses habits trompé,
   Ne l'a point reconnu qu'apres l'avoir frappé.
   On sçait de l'assassin, que l'on mene au supplice,
   Que Nicanor du crime est autheur & complice.
   Et le Prince plaint moins la rigueur de son sort,
   Qu'Orosmane repris qu'on destine à la mort.
   Nicanor l'a jurée, & sa douleur extrême,
   Du funeste accident qu'il a causé luy-mesme,
   Le porte à des transports indignes de son rang,
   Et déja d'Orosmane il eust versé le sang;
   Mais jusques à son trépas Amintas magnanime,
   Retient son cruel Pere, & s'oppose à son crime.

ELISE.

   Clarice, que dis-tu?

CLARICE.

                       Je dis la vérité.

ELISE.

   Mon cher Alcandre, helas! m'est-donc encore osté;
   Mais dis-tu qu'il est pris?