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Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/71

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Afin que mon hymen pour un tems fût remis ;
Mais sans ces gens masqués, sans-doute mes amis,
Je n’eusse jamais pu différer l’hyménée
Avec un tel vieillard, de qui l’ame obstinée
N’eût jamais démordu de son premier projet,
Et quoi que j’eusse dit et quoi que j’eusse fait :
Allons voir là-dessus ce qu’aura fait mon frére :
Encore un coup, beauté, que tu m’es salutaire !


ACTE V


Scène I

DOM SANCHE, MERLIN.
D. Sanche.

Tout est perdu pour moi, puisque Blanche est perdue.
Ne m’en parle donc plus, ma mort est résolue.

Merlin.

Quand vous parlez de mort, parlez-vous tout de bon ?
Si j’étois, comme vous, beau comme Cupidon ;
Si j’avois, comme vous, un satyre pour frére ;
Si j’avois, comme vous, des qualités à plaire ;
Si Blanche, comme à vous, me faisoit les doux yeux ;
Si l’amour, comme vous, me rendoit furieux,
Je pousserois ma pointe, il n’est frére qui tienne,
Tant que je verrois Blanche en espoir d’être mienne :
Et lorsque je verrois la belle en d’autre bras,
J’en serois bien fâché ; mais je n’en mourrois pas.

D. Sanche.

Je suis ce que tu dis, mon frére est méprisable ;
Mais mon frére est heureux et je suis misérable ;
Et pour faire fortune en l’empire amoureux,
Il faut être à la fois aimable et bien heureux.
Blanche m’a foudroyé des traits de sa colére ;
Blanche sera bientôt dans les bras de mon frére.
Quand d’un bien d’où dépend notre félicité,
Par haine ou par mépris l’espoir nous est ôté,
Les timides conseils ne sont plus bons à suivre.
Qui n’a pu plaire à Blanche, est indigne de vivre.