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Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/72

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Contentons sa rigueur et délivrons ses yeux
D’un esclave inutile aussi-bien qu’odieux.

Merlin.

Mais, monsieur, sauf l’honneur de votre noble envie,
Savez-vous ce que c’est que de perdre la vie ?
Il n’est rien tel que vivre.

D. Sanche.

Il n’est rien tel que vivre.Il n’est rien tel pour toi.
Mais la vie est à charge aux amans comme moi,
Que l’amour n’a flatté d’une vaine espérance,
N’a trompé par l’éclat d’une belle apparence,
Qu’afin que le penser d’avoir pu vivre heureux,
Accrût le désespoir de son cœur amoureux.

Dom Blaize paroît au bout du théâtre.

Mais ce frére odieux à mon repos funeste,
Ne vient-il pas m’ôter le seul bien qui me reste ?
Ne vient-il pas encor mon trépas empêcher,
Après m’avoir ravi ce qui me fut plus cher ?
Hélas, si je lui dis que Blanche est vertueuse,
N’est-ce pas augmenter son ardeur amoureuse ?
Si je lui dis que Blanche ne l’est pas,
N’est-ce pas offenser un ange plein d’appas ?
Et ne sera-ce point par une action lâche,
À l’honnêteté même avoir fait une tache ?
Ha ! n’offensons jamais cette divinité,
Et jusqu’au dernier jour disons la vérité.



Scène II

D. BLAIZE, D. SANCHE, ORDUGNO, MERLIN.
D. Blaize.

Que disiez-vous tout seul, mon frére ?

D. Sanche.

Que disiez-vous tout seul, mon frére ?Que vous êtes
Le plus heureux du monde en tout ce que vous faites,
Et que le ciel vous donne une chère moitié,
Digne de votre choix et de votre amitié.