Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/79

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lizette.

Moi, Lizette ! Oui vous, car, mon beau cavalier,
Puisqu’il vous faut convaincre, oserez-vous nier
Que par un feint amour, une lâche finesse,
Vous n’ayez attenté d’éprouver ma maîtresse ;
Elle s’en douta bien, et pour s’en assurer,
Elle feignit aussi, vous permit d’espérer.
Dom Sanche y fut trompé ; car l’amour de soi-même,
Persuade aisément un jeune homme qu’on l’aime :
Mais il ne savoit pas que Blanche l’écoutoit,
Lorsqu’au marquis jaloux jurant il protestoit
Que c’étoit seulement à dessein de lui plaire,
Qu’il s’étoit déclaré de Blanche tributaire.

Elle le contrefait.

Vous m’avez commandé de feindre, je feignois ;
Mais mon cœur n’étoit pas d’accord avec ma voix.
Ce sont vos mêmes mots, on me les vient d’apprendre.

D. Sanche.

Il est vrai, ce les sont ; mais voulez-vous m’entendre ?

Lizette.

De bon cœur.

D. Sanche.

De bon cœur.Si je crois les avoir offensés,
Ces yeux injustement contre moi courroucés,
Que puissé-je à jamais leur être détestable,
Si je ne vous fais pas un récit véritable ;
Et si vous n’avouez que je n’ai point de tort,
Que puissé-je tomber à vos pieds roide mort !

Lizette.

Il faut que dieu m’ait fait le naturel bien tendre,
Quand je vois quelque amant qui parle de se pendre,
Ou bien de se donner un grand coup de poignard,
C’est comme s’il perçoit mon cœur de part en part.
J’ai brûlé comme un autre et sait combien vaut l’aune
De cette passion qui fait devenir jaune.
Pour revenir à vous, si vous me faites voir
Que vous n’avez rien fait contre votre devoir,
J’espére d’être utile au bien de vos affaires.
Mais, monsieur, si l’amour aime les téméraires,
Allons tout droit à Blanche, embrassez ses genoux,
Pleurez et soupirez, et laissez faire à nous :