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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/100

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Et d’être en vénération,
D’effet ou bien d’intention,
Est, je ne vous dis pas brisée,
Je dis seulement méprisée,
Les Troyens s’en repentiront
Et les bouts des doigts s’en mordront,
Et nous ferons bientôt de Troie
Un très horrible feu de joie."
Car des Dieux il est arrêté
Qu’étant reçue en la cité,
Votre cité bientôt, par guerre,
Sera maîtresse de la terre,
Et les tout-puissants Phrygiens
Verrontles les Grecs dans leurs liens."
Voilà ce que de lui nous sûmes,
Ce que, trop idiots, nous crûmes ;
A cause que la chose plut,
On crut de lui ce qu’il voulut.
Quand il en eût dit davantage,
Priam, trop bon et trop peu sage,
Eût tout pris pour argent comptant.
Mais qui n’en aurait fait autant,
Tant son éloquence eut de charmes
Et tant purent ses fausses larmes ?
Moi-même, qui vous dis ceci,
Comme un sot je le crus aussi.
Ainsi ce que le fin Ulysse
N’a pu faire par artifice,
Ce que Diomède n’a pu,
Ni le Péléide invaicu,
Ce qu’enfin, durant dix années,
Les troupes de Grèce amenées
Ont tâché sous Agamemnon,
Fut lors achevé par Sinon.
Cas étrange autant qu’il peut être
Appuya les discours du traître :
A Neptune, le dieu de l’eau,
Laocoon, d’un grand taureau
Faisait un dévot sacrifice ;
Mais il ne lui fut pas propice.