Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/11

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Junon, par la trappe des cieux,
Par malheur vint jeter les yeux :
Quand elle les vit ainsi rire,
Elle en accrut si fort son ire
Que, si son lacet n’eût rompu,
Outre qu’elle avait bien repu,
Je crois, Dieu veuille avoir son âme !
Qu’elle eût crevé, la bonne Dame.
L’esprit donc quasi perverti :
"J’en aurai donc le démenti,
Cria-t-elle, et cette gueusaille
A ma barbe fera gogaille ?
Quoi ! Pallas, qui n’est que Pallas,
A pu ce que je ne puis pas !
Contre les Grégeois animée,
Du foudre de son père armée,
Pour un seul, elle a fait sur tous
Pleuvoir une grêle de coups ;
Elle a bien pu réduire en poudre
Le pauvre Ajax d’un coup de foudre,
Jeter les Grecs qui çà, qui là,
Et je ne pourrais pas cela ?
Et malgré moi la destinée
Gardera ce faquin d’Enée ?
Et moi qui suis sans me vanter
Sœur et femme de Jupiter,
Je ne pourrai, quoi que je fasse,
Perdre cette maudite race ?
Et chacun me méprisera,
Et pas un ne m’adorera ?
Car qui diable serait si bête
De vouloir célébrer ma fête ?
Qui voudrait me sacrifier
Bœuf, vache, mouton ou bélier ?
Oui, bœuf, mouton, bélier ou vache.
Il n’est personne que je sache
Qui veuille m’offrir seulement
Un rat, qui n’est qu’un excrément.
Cela dit avec violence,
La Déesse, à beau pied sans lance,