Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/10

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Outre qu’il avait révélé
(Heureux s’il n’eût jamais parlé ! )
Qu’elle avait trop longue mamelle,
Et trop long poil dessous l’aisselle,
Et pour dame de qualité
Le genou un peu trop crotté ;
Puis un autre mal sans remède,
Le rapt du jeune Ganymède,
Dont son débauché de mari
Avait fait un cher favori.
Ces choses-là mises ensemble
Etaient suffisantes me semble
Pour lui faire faire aux Troyens
Ce que les laquais font aux chiens,
C’est-à-dire guerre terrible.
Elle faisait donc son possible
Que ces pauvres dépaysés,
Pour la plupart dévalisés,
Ne pussent comme peuple libre
Planter leur piquet sur le Tibre,
Y semer blé, cueillir raisins,
S’allier avec leurs voisins,
Comme ils faisaient dans la Phrygie
Devant que les troupes d’Argie
Fissent des biens de Priamus
Après dix ans gaudeamus,
Tant l’entreprise était hautaine
D’élever cette gent romaine,
Malgré ses ennemis divers,
A l’empire de l’univers !
Cette pauvre race troyenne
Dessus la mer sicilienne,
Comme après bon vin bon cheval,
Voguait sans songer à nul mal ;
Ils avaient tous le vent en poupe
Et n’était pas un de la troupe
Qui ne chantât des Léridas,
Des lampons, et des ouidas,
Et mille autres telles denrées,
Quand, sur les plaines azurées,