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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/111

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Qui rendent son cours furieux,
Et ne laisse dans tous les lieux
Où le malheur son onde porte
Que quelque corps de bête morte,
Qui, faute de savoir nager,
N’a pu se tirer du danger,
Item écume, sable, fange ;
Bref, ce torrent d’humeur étrange
Entraîne pierres et cailloux,
Dans les jardins gâte les choux,
Dans les guérets aux blés en herbe
Ote tout espoir d’être en gerbe ;
Les arbres comme les roseaux
Cèdent à la fureur des eaux,
Et ces méchantes eaux sans rives
Font des pauvres brebis fuitives,
Et des pauvres bœufs étourdis
Un étrange salmigondis ;
Ainsi que de toute autre bête ;
Enfin cette horrible tempête
Fait périr aussi les maisons,
Sauf les canes et les oisons ;
Tout se sent de sa rage extrême.
Cependant le laboureur blême
Est sur quelque lieu haut juché,
Jurant comme un joueur fâché.
Cette comparaison est belle :
Partout je la maintiendrai telle.
Ce feu qui va tout dévorant,
Ou cet impétueux torrent,
Sont les Grecs pires que la peste ;
Je suis le laboureur qui peste
Contre Fortune et le Destin,
Nommant l’un Turc, l’autre putain.
La voilà donc à la pipée
Notre pauvre ville attrapée,
Et nos plus superbes maisons
S’en vont devenir des tisons.
On égorge, on brûle, on dérobe.
Le grand palais de Déiphobe,