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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/112

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Par le feu dévorant détruit,
Tombe par terre avec grand bruit.
Le feu pousse avant sa conquête,
Et paraît vainqueur sur le faite
De la maison d’Ucalégon.
Le Grégeois, pire qu’un dragon,
Fait de notre ville de Troie
Un agréable feu de joie,
Aux Troyens un feu de douleur
La mer en change de couleur,
Et, de notre ville brûlante,
Sa surface est toute brillante ;
Et moi qui suis un peu trop prompt
Du poing je m’en cogne le front.
Tristes et confus que nous sommes,
Nous entendons les cris des hommes,
Pareils à des hurlements d’ours.
Les trompettes et les tambours
Font un étrange tintamarre :
Notre famille s’en effare ;
Moi-même j’en suis perturbé,
Je jure en chartier embourbé,
Non sans répandre quelques larmes ;
J’endosse à la hâte mes armes,
Ne songeant qu’à bientôt périr.
Ma femme, qui craint de mourir,
Dit qu’il n’est rien tel que de vivre,
Me demande si je suis ivre :
Je pensai l’appeler guenon,
Et lui dire pis que son nom.
Enfin me voilà dans la rue,
Furieux en cheval qui rue,
Suivi de quatre ou cinq valets
Timides comme des poulets.
Pour les assurer à toute heure
Je criais « Qui va là ? demeure. »
Le plus souvent ce n’était rien,
Ce qui sans doute plaisait bien
A tous ceux de notre brigade
Qui n’aimaient pas la coutillade,