Aller au contenu

Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Troie et les Troyens sont à nous ;
Nous les avons roués de coups,
Et cependant, poules mouillées,
Vos dagues claires, ou rouillées,
N’ont point sorti de vos fourreaux,
Non plus que vous de vos vaisseaux.
Les plus belles femmes de Troie
Nous servent de femmes de joie,
Et Priam qui n’est qu’un faquin…"
Je lui dis : "Vous mentez, coquin,
Vous êtes le faquin vous-même ! "
Et puis d’une furie extrême,
Je lui donnai de mes cinq doigts
Au beau milieu de son minois ;
Plus, je lui fis balafre telle
Qu’on n’en vit jamais de plus belle ;
Je lui coupai de bout en bout
Le nez, l’oeil, la joue, enfin tout
Ce qui le visage compose,
Ce qui fut très piteuse chose.
Ce coup douze points contenait,
Et sans rien augmenter prenait
Depuis le front du côté dextre
Jusqu’à la mâchoire senestre.
De ce coup si bien asséné
Il fut grandement étonné,
Vit qu’il avait fait une faute,
Et trop tôt compté sans son hôte.
Aussitôt il rétrograda,
Et trop tard de moi se garda,
La frayeur peinte en son visage.
Ainsi lorsque dans son passage
On fait rencontre d’un serpent,
Et que cet animal rampant,
Que l’on a foulé par mégarde,
En sifflant s’élance et se darde,
On se retire plein d’effroi ;
De même ce Grec, hors de soi,
Voyant qu’il nous prenait pour d’autres,
Se démêla d’entre les nôtres,