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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/135

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 Hector, qui gît au tombeau,
Dans une si fâcheuse affaire
N’eût fait que de l’eau toute claire.
Si vous me croyez, mon bon roi,
Venez vous seoir auprès de moi."
Priam s’assit de bon courage,
Sans fanfaronner davantage,
Dans une grande chaise à bras,
Dont le velours était bien gras.
Un de ses fils, nommé Polite,
Arriva là, courant bien vite.
Il avait beau des yeux chercher
Quelque endroit où se bien cacher,
Pyrrhus, qui de près le talonne,
Fort peu de relâche lui donne.
Il courait de peur de mourir ;
La peur l’empêchait de courir,
Et lui donnait bien fort la fièvre.
Heureux si, craignant comme un lièvre,
Il eût pu courir aussi fort !
Ce fier messager de la mort
Lui tient le fer près de l’échine,
Et déjà sa main assassine
A d’un puissant estramaçon
Amoindri son nez d’un tronçon.
Enfin un coup de cimeterre
Lui fait donner du nez en terre
Aux pieds de son père effaré,
Auquel un trépas assuré
Ne put lors empêcher de faire
Réprimande à ce sanguinaire.
Il lui dit : "Pour un si beau coup,
Tu t’es vraiment pressé beaucoup !
Tu souilles, homme trop colère,
Du sang d’un fils les yeux d’un père.
O bourreau ! par qui mes vieux ans
Ont des objets si peu plaisants !
Que le ciel bientôt te le rende !
Une inhumanité si grande