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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/141

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Le dieu qui porte le trident,
A perdre votre ville ardent.
Voyez comme il égale aux herbes
Les bâtiments les plus superbes !
Si bien il la démolira
Que Troie en Troie on cherchera.
Junon, la cotte retroussée,
Paraît sur la porte de Scée,
Qu’elle vient de mettre dedans,
Couverte de fer jusqu’aux dents.
Oyez un peu comme elle crie,
Et comme avec sa voix de truie,
Que l’on entend jusqu’à la mer,
Elle s’efforce d’animer
Le soldat qui, selon sa rage,
N’est pas assez âpre au pillage.
Voyez la méchante Pallas,
Branlant son large coutelas
Sur le haut de la citadelle ;
Voyez comme cette pucelle,
D’une pitoyable façon,
Mieux que ne ferait un maçon,
Démolit, sape, brise, taille,
La plus grosse et forte muraille.
Elle s’échauffe en son harnois :
Ainsi, quand il abat des noix,
Le corbeau, qui n’est qu’une bête,
Travaille de cul et de tête.
Sa Gorgone aux crins de serpents,
Face large de deux empans,
Fait une vilaine grimace,
A qui la regarde à la face.
Jupiter, père de nous tous,
Se déclare aussi contre vous,
Et donne un esprit de pillage
Aux Grecs dont il croît le courage ;
Et n’est pas que le bon seigneur,
Quoique d’ailleurs homme d’honneur,
N’ait dérobé quelque chosette,
Pour régaler quelque coquette.