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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/153

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Par un certain mauvais galant ;
En or, la moitié d’un talent,
En argent, quatre mille livres,
Deux grands coffres remplis de livres,
De Priam les arcs à jalet,
Mille vaches donnant du lait,
Autant de veaux, autant de truies,
Des parasols, des parapluies,
Item, quatre mille chapeaux,
Force pourpoints, chausses, manteaux,
Et cent mille autres nippes riches.
Ulysse, le chiche des chiches,
Et Phénix, un maître pédant,
L’un et l’autre à la proie ardents,
Tous deux faux sauniers et faussaires,
En étaient les dépositaires.
Des captives je m’approchai,
Et, me cachant le nez, cherchai,
Parmi cette troupe éplorée,
Ma chère Créuse égarée ;
Puis je me mis effrontément
A crier (maudit soit qui ment) :
 « Créuse, Créuse, Créuse ! »
Un écho me répond : Euse,
Et voilà tout ce que j’appris
De tant de peine que je pris.
Je m’en allais confus et triste,
Quand notre femme, à l’improviste,
Se vint présenter à mes yeux.
Je ne fais point le glorieux,
Une vision si soudaine
Me fit avoir fièvre quartaine.
Qui m’eût lors bien considéré
M’eût trouvé l’oeil bien égaré.
Par le visage c’était elle,
Mais sans patin ni pianelle,
Elle avait huit grands pieds de haut,
Si bien, quoique j’eusse grand chaud,
Que je devins froid comme glace,
La frayeur peinte sur ma face.