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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/165

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 des Grecs, comme tu sais bien,
Qui ne valurent jamais rien.
Dis-nous notre bonne aventure,
Mais dis-nous-la sans imposture,
Et sans en donner à garder.
Tu te plais souvent à bourder.
Si tu pense être ici le même,
Je pourrai bien, sans grand blasphème,
Te faire passer en cent lieux
Pour le plus grand menteur des Dieux.
Aurons-nous paix, aurons-nous guerre ?
Sera-ce par mer, ou par terre ?
Ceux avec qui nous la ferons
Sont-ils bonnes gens, ou larrons ?
Ou si nous rebâtirons Troie,
En grand repos et grande joie ?
Ou s’il faudra jouer des mains
Avec des peuples inhumains ?
O digne inventeur de la lyre,
Qu’à bon droit tout le monde admire,
Qui premier as fait des sonnets,
Et fait parler des sansonnets,
Par ta sœur madame la Lune,
Cette agréable claire-brune,
Qui va de nuit comme un lutin,
Dis-nous quel est notre destin,
Sans te faire tirer l’oreille,
Et je promets, à la pareille,
De t’offrir, à ce renouveau,
Une vache blanche et son veau,
Et même de doubler la dose,
Si l’offrande est trop peu de chose.
Enfin je te régalerai
Comme il faut, ou je ne pourrai."
Les derniers mots de ma harangue
Etaient encore sur ma langue,
Quand en l’air le foudre gronda,
Et fit bien fort bredi-breda.
Eclairs luisants comme chandelles
M’éblouirent les deux prunelles ;