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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/167

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Verra ses enfants triomphants,
Et les enfants de ses enfants."
A ces mots, chacun avec presse
Se demandait. "Où est-ce ? où est-ce ?
Où prendre cet heureux climat,
Où, nonobstant l’échec et mat
Qu’a reçu notre pauvre Troie,
Nous pourrons, en soulas et joie,
Remplacer les pauvres Troyens
Dont les corps sont mangés des chiens ? "
Mon père, se grattant la tête,
S’écria. "Je suis une bête,
Ou je pense avoir rencontré
Le lieu par oracle montré,
Où nous devons vivre à notre aise ;
Mais je me tais, ou qu’on se taise."
Quelqu’un encore chuchota,
Mais enfin chacun écouta ;
Puis mon père, par un sourire,
Donnant la grâce à son bien dire,
Nous dit avec autorité.
"J’ai feuilleté, refeuilleté,
Comme on sait, toutes nos chroniques,
Aussi véritables qu’antiques :
Or est-il qu’en mes jeunes ans
Je pense avoir trouvé dedans
Que d’une île, Crète nommée,
Pour ses cent villes renommée,
Nos prédécesseurs sont sortis,
Mâles, femelles et petits.
Teucer menait la caravane
Dans une superbe tartane,
Et, suivi de ses Candiens,
Occupa les bords rhétiens.
Pergame n’était point encore ;
Chacun y vivait en pécore,
Et sous terre, au pied des coteaux,
Les gens logeaient comme brutaux.
De là vient que tant on révère
Des dieux la mère ou la grand-mère,
Cybè