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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/17

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Qui, pis est, la cane souvent ;
Mais ainsi le voulait le vent.
Ces maîtres balayeurs du monde
Faisaient ainsi rage sur l’onde,
Mais Neptune au poil bleu-mourant,
Qui n’a pas l’esprit endurant,
Se douta bientôt de l’affaire,
Encor qu’on tâchât de lui taire,
De peur qu’en étant irrité
Il n’en altérât sa santé ;
Mais voyant l’obscurité telle
Qu’il avait besoin de chandelle,
Encor qu’il ne fût que midi,
Et que le poisson étourdi
S’allait cachant dans les rocailles,
Le roi du peuple porte-écailles
Poussa son char fait en bateau
Devers la surface de l’eau.
Lorsqu’il mit hors de l’eau la tête,
Les flots, nonobstant la tempête,
S’abaissèrent de la moitié ;
Les Troyens lui firent pitié,
Et les auteurs de leur misère
Le mirent bien fort en colère.
Connaissant la mauvaise humeur
Et le chien d’esprit de sa sœur,
Il ne douta point que l’orage
Ne fût un effet de sa rage.
Aussitôt qu’en paume il siffla
Au diable le vent qui souffla,
Et qui lors eut le mot pour rire,
Il appela le vent Zéphyre,
Et le vent Eure : tout honteux
Ils vinrent devant lui tous deux,
La joue à demi désenflée,
Et jusqu’au menton avalée.
Alors qu’il les eut devant lui :
"Ce n’est pas, dit-il, d’aujourd’hui
Que, sans regarder qui vous êtes,
Sans songer à ce que vous faites,