Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/18

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Et si je le trouverai bon,
Vous exercez votre poumon
A troubler le repos du monde,
Faire des vacarmes sur l’onde,
Et jeter de la poudre aux yeux
Au premier chapitre des cieux ;
J’ai bien peur, si mon avis passe,
Que le Roi du Ciel ne vous casse,
Et la brouée, et les frimas,
Par la mort…" Il n’acheva pas,
Car il avait l’âme trop bonne :
"Allez, dit-il, je vous pardonne ;
Tirez-vous vitement d’ici,
Et ne pensez plus faire ainsi
Sur mes flots votre soufflerie ;
Je n’entendrai pas raillerie,
Et que votre beau Roi de vent
Porte respect à mon trident ;
La mer n’est pas de son domaine ;
Qu’en sa demeure souterraine
Il vous donne s’il veut la loi,
Sans rien entreprendre sur moi."
Le vent Eure et le vent Zéphyre
A cela n’eurent rien à dire.
Un vaisseau troyen échoué
Par Triton et Cimothoé
Fut dégagé d’un banc de sable,
N’ayant plus ni voile ni chable,
Trois autres tout déharnachés,
Par les vents sur les rocs juchés,
Par les mêmes à grande peine
Regagnèrent l’humide plaine.
Le bon Neptune cependant
Rendit, d’un seul coup de trident,
La mer, auparavant si fière,
Paisible comme eau de rivière ;
Et puis, devenu tout gaillard,
Fit faire avecque beaucoup d’art
A son char mille caracoles,
Sur le lac où l’on prend les soles,