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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/170

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De nos Troyens désespérés
Des maux qu’ils avaient endurés.
Je fis de beaux discours en prose,
Afin que, devant toute chose,
On travaillât à la cité,
Et, pour plus grande sûreté,
Qu’on bâtît une citadelle
Aussi forte que La Rochelle.
Je fis tirer nos nefs du port,
Que l’on mit à sec sur le bord.
Tous les jours je rendais justice,
Ou travaillais à la police ;
Je visitais les bâtiments,
Et faisais force règlements.
Je mariai garçons et filles,
Pour mieux conserver leurs familles.
Je fis planter des espaliers,
Non pas pour un, mais par milliers,
Comme aussi des arbres par lignes,
Semer du blé, planter des vignes,
Sans oublier force melons,
Qui sans doute eussent été bons ;
Car j’en avais reçu la graine
D’un gentilhomme de Touraine.
Bref, tous ces préparatifs-là
Promettaient assez, quand voilà,
Par une maudite influence,
Qu’une maligne pestilence
Prit les pauvres Troyens en but,
Et leur fit avoir le scorbut,
Dont, hélas ! la plupart moururent ;
Item nos pourceaux ladres furent,
Nos brebis eurent le claveau,
Et tous nos chevaux le morveau ;
Nos poules eurent la pépie,
Dont plusieurs perdirent la vie ;
Les autres cassèrent leurs œufs ;
Nous perdîmes vaches et bœufs
Par le défaut du pâturage :
Plus de beurre, plus de fromage.