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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/169

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Avait fait affront solennel,
En son royaume paternel,
Si bien que le tyran de Crète
Avait délogé sans trompette,
Sans dire : Adieu jusqu’au revoir.
Certes, nous ne pouvions avoir
Occasion plus favorable,
Et c’était chose vraisemblable
Que mon père avait deviné
Le pays par les Dieux donné,
Qu’on y recevrait avec joie
Les pauvres exilés de Troie,
Puisque dans ce pays promis
On maltraitait nos ennemis.
Nous quittâmes donc Ortygie,
La flotte, conduite et régie
Avec grande adresse et grand art,
Vola sur mer comme un trait d’arc.
Nous vîmes Naxos, dont les vignes
Ont rendu les coteaux insignes,
Le petite île Oléaros,
Les îles Cyclades, Paros,
Paros fameuse pour ses marbres,
Et Donyse couverte d’arbres,
Et d’autres lieux de cette mer,
Qui ne valent pas le nommer.
Les matelots, qui, dans la Crète,
Espéraient bientôt leur retraite,
Poussaient mille cris éclatants,
Se voyant aidés du beau temps.
Les vents, à souhait, de nos voiles
Faisaient bander toutes les toiles ;
Enfin le ciel nous secourut
Si bien que la Crète parut,
Où notre flotte, mise à terre,
Ne se souvint plus de la guerre.
Je me mis d’abord à bâtir,
Et terre à chacun départir,
Je nommai la ville Pergame,
Nom qui remit la joie en l’âme