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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/181

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Pour pouvoir assiettes mâcher,
Oui bien du pain ou de la chair,
Et moi chétif, qui n’en ai qu’une,
Quelle serait mon infortune ?
Que ferais-je en cette accident
Avec une méchante dent,
Et dent qui me branle en la bouche ?
C’est à moi que la chose touche.
Ah ! grand Dieu ! détourne l’effet
De la menace que nous fait
Ce hibou, ce monstre squelette !
Etre réduit à son assiette,
Faute de viande et de pain ;
Mâcher du bois et de l’étain !
Ah ! cette menace cruelle !
Me trouble toute la cervelle ;
Il ne nous peut arriver pis.
Grand Dieu, miserere nobis ! "
Ayant fini cette prière,
Que je vous redis tout entière,
Nous regagnâmes notre bord,
La flotte se mit hors du port,
Chacun rêvant à la menace
De la donzelle chiche-face.
Un vent de terre qui souffla.
A souhait nos voiles enfla.
Lors en mer nous nous élargîmes.
La première île que nous vîmes
Ce fut celle de Zacynthos,
Ensuite Samé, Néritos,
Dulichie, et l’Ile fameuse,
Mais à nos Troyens odieuse,
Ithaque, pays d’Ulysses,
A qui doit tout son bon succès
La flotte qui vint de Mycène ;
En eût-il la fièvre quartaine !
Le vent si bien nous secourut
Qu’enfin Leucate nous parut,
Et puis d’Apollon le saint temple,
Qu’en mer avec crainte on contemple,