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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/189

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Que de manger quand on a faim,
M’a prédit que, faute de pain,
J’aurais à manger mon assiette ;
Et la donzelle putréfaite
Me menace de mille maux,
Pour quelques chétifs animaux
Par nous conquis de bonne guerre,
Quand nous prîmes port en leur terre ;
J’en suis tout je ne sais comment.
Vous qui savez parfaitement
Le sens caché des prophéties,
Qui connaissez bien les hosties,
Comme aussi des oiseaux le vol,
Qui pouvez découvrir un vol,
Fût-il le plus caché du monde,
Vous en qui la sagesse abonde,
Vous enfin savant jusqu’aux dents,
Et qui voyez clair au dedans
De la chose la plus obscure,
Dites-moi ma bonne aventure
— Oui, de bon cœur je la dirai ;
Me dit-il, ou je ne pourrai."
Il demanda son écritoire,
Fit tuer une vache noire,
Pour mieux tirer les vers du nez
Des esprits ainsi guerdonnés,
Puis après, faisant cent mystères,
Qui sentaient fort les caractères
Dont on conjure les esprits,
Voici ce que de lui j’appris :
"Enfant de Vénus la paillarde,
Le grand dieu Jupiter vous garde
De tout encombre, de tout mal
Et de morsure de cheval !
Dire que vous ne valez guère,
Quoiqu’enfant de bons père et mère,
Cela ne vous appartient pas,
Car vous valez mille ducats.
Vous posséderez l’Italie :
Le nier, c’est une folie,