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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/194

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D’apaiser la dame Junon,
De célébrer partout son nom,
Lui faire souvent sacrifice,
Afin de la rendre propice :
Autrement tous vos vains efforts
Vous lasseront l’âme et le corps,
Et sans elle, dans votre affaire,
Vous ne ferez que de l’eau claire.
Et, quand du bord sicilien
Vous gagnerez l’italien,
Au travers des flots pleins d’écume,
Et que vous serez dedans Cume,
Si vous me croyez, allez voir
La Sibylle dans son manoir :
C’est une vieille, bien barbue,
Mais de grande science imbue,
Qui sait faire tourner le sas,
Et dont tout le monde fait cas.
Vous verrez sa sombre caverne
Au milieu des lacs de l’Averne ;
Elle n’en sort ni peu ni prou,
Et vit comme un vrai loup-garou.
Alors que quelqu’un l’interroge
Devant la porte de sa loge,
Dessus des feuilles elle écrit
Ce qu’elle apprend de cet esprit
Qui lui révèle toutes choses.
Mais, devant que ces portes closes
S’ouvrent avec grand vent et bruit,
Si le suppliant, mal instruit,
Ne lit ces feuilles arrangées,
Aussitôt par le vent changées
D’ordre et de situation,
Tout se met en confusion ;
Pour avoir été mal habile,
Mal satisfait de la Sibylle,
Il s’en retourne aussi savant,
Le nigaud, qu’il était devant.
Or vous, n’allez pas par faiblesse,
Soit que votre troupe vous presse,