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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/206

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Et nous ouïmes clairement
La mer qui hurlait diablement.
Les flots, pleins d’écume et de rage,
Se brisaient contre le rivage,
Et le rivage résonnait
Des grands coups que l’eau lui donnait.
Tantôt, en montagnes cornues,
Elle se levait jusqu’aux nues
(Peut-être qu’elle les mouillait),
Et tantôt elle se brouillait
Dans son centre avec son arène
Mon père, d’une voix hautaine,
Cria. "N’est-ce point là le lieu
Dont le saint prophète de Dieu,
Hélénus, le compatriote,
A tant menacé notre flotte ?
Ah ! ce l’est, foi d’homme de bien,
Ce l’est, ou je n’y connais rien !
Tirons-nous vite de ce gouffre
Il y put pour nous comme soufre.
Il y a danger d’abîmer,
Si nous ne savons bien ramer :
Ramons donc de cul et de tête,
Comme au fort de quelque tempête ;
Et puis, que dirait-on de nous
Si la mer nous avalait tous,
Et ce, par notre négligence ?
Certes, j’en rougis quand j’y pense,
Et j’en rougis d’autant plus fort,
Quand on est noyé, qu’on est mort,
Quand on est mort, qu’on ne voit goutte,
Malheur que surtout je redoute,
Car, quand on ne voit goutte, on est
Craquignolé par qui vous plaît.
Encore un coup donc, je vous prie,
Ramons, et ramons de furie : "
Palinure, après ce sermon,
A gauche tourna son timon ;
Les autres patrons l’imitèrent,
A gauche comme lui voltèrent,