Aller au contenu

Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/225

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et que le feu fait en aller
Un pot, à force de brûler.
Tant plus ses soupirs s’exhalèrent,
D’autant plus ses larmes coulèrent,
Si que jamais tant ne pleura
La Didon, ni ne soupira
Sa sœur, l’ayant réconfortée,
Lui dit, de sa bouche édentée :
"O chère sœur, que j’aime mieux
Ni que mon cœur, ni que mes yeux,
Sachez de moi, ma sœur ma mie,
Qu’un tantin de polygamie,
Quoi que l’on dise, fait grand bien ;
Vous vieillirez en moins de rien,
Et, quand vous vous verrez vieillotte,
Vous direz Peste de la sotte,
D’avoir passé vos jeunes ans,
Pour la crainte des médisants,
Dans le fâcheux état de veuve !
Il n’est rien tel que chose neuve !
Choisissez un mari nouveau,
Et vous l’appliquez sur la peau.
Il n’est point de telle fourrure,
Et, si vous voulez que j’en jure,
Je m’en vais vous faire un serment,
Plus gros que maudit soit qui ment !
Puissé-je devenir Vestale,
Avoir sur mes vieux ans la gale,
Etre pauvre, mourir de faim,
S’il est rien tel, après le pain,
Que d’épouser un honnête homme,
Qui soit bâti tout ainsi comme
Ce bel Aeneas le Troyen,
Que l’on tient tant homme de bien !
Gardez bien qu’il ne vous échappe :
Que Votre Majesté l’attrape.
Mariez-vous sans biaiser :
Faire autrement, c’est niaiser.
Lorsque, maîtresse de famille,
Vous aurez fait garçon et fille,