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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/224

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Et qui m’eût parlé d’un mari
N’eût pas été mon favori ;
Mais, depuis que j’ai vu mon hôte,
Mon corps, percé de côte en côte
(Je te le confesse, ma sœur),
A fort mal conservé mon cœur
Ma blessure n’est que trop vraie,
Il saigne d’une même plaie,
Je sens les mêmes accidents,
Qui m’inquiètent le dedans,
Et reconnais bien que mon âme
Brûle d’une pareille flamme ;
Mais certes je l’étoufferai,
Cette flamme, ou je ne pourrai.
Devant que ce malheur m’arrive,
J’aime mieux brûler toute vive,
Ou plutôt que mon chien de corps
Soit mis bientôt au rang des morts,
Et fasse en Enfer pénitence
De sa mauvaise résistance.
O pudeur ! je te garderai
Autant de temps que je vivrai ;
On ne verra jamais qu’Elise
Tombe en faute, et qu’on en médise.
Le premier qui reçut ma foi
L’emporta, mourant, avec soi ;
Que le pauvre défunt la garde,
Et qu’en pitié Dieu me regarde,
Car mon esprit en vérité
A quelque chose de gâté."
Cela dit, une grosse pluie,
Qu’en vain sa belle main essuie,
Couvrit de pleurs tout son rabat.
Grand vent petite pluie abat ;
Mais, au proverbe n’en déplaise,
Les soupirs causés par sa braise
Par ses pleurs largement jetés
Furent de plus belle irrités,
Et ses soupirs à la pareille,
Comme le vent le feu réveille,