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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/229

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Car c’est d’elle en semblable cas
De qui l’on fait le plus grand cas.
Là, Didon, de fort bonne grâce,
Répandit le vin d’une tasse
Sur le front de la sœur d’un bœuf,
Blanche comme une coque d’œuf,
Et puis fit quelques caracoles
A l’entour des saintes idoles,
Leur fit à tous de beaux présents.
Des animaux agonisants
Elle consulta les entrailles,
Qui sentaient bien fort les tripailles,
Dont le nez elle se boucha
Et très sottement se fâcha.
O vanité des aruspices !
De quoi servent les sacrifices
A femme qui se meurt d’amour ?
C’est chercher la lune en plein jour
Que de chercher quelque remède
Lorsque le grand mal la possède
Elle a beau faire, il faut brûler,
Mourir de faim sans se soûler,
Ou bien, pour contenter sa rage,
Faire parler le voisinage.
Son pauvre esprit, devenu fou,
La fait courir sans savoir où :
Ce feu grégeois toujours s’augmente,
Et dévore la pauvre amante
Versât-elle de pleurs un seau,
Ce feu grégeois brûle dans l’eau,
Et la brûlerait de plus belle.
Par Mahom, c’est grand’pitié d’elle !
Tout ainsi, par comparaison,
Quand, friand de la venaison,
Un pasteur, dans les bois de Crète,
A transpercé d’une sagette,
Ou bien, si vous voulez, d’un dard,
Une biche de part en part,
Après l’avoir longtemps chassée,
Sans bien savoir s’il l’a blessée,