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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/23

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Nous en avons eu dans le cul,
Les vents à ce coup ont vaincu,
Mais nous devons bien nous attendre
Que nous affliger, et nous rendre
Toutes sortes de déplaisirs,
Est le plus grand de leurs désirs ;
Peu de maux sont pareils aux nôtres,
Mais nous en avons bien eu d’autres,
Et peut-être qu’ils finiront
Quand les Dieux se raviseront.
Nous sommes, sortant de Sicile,
De Charybde tombés en Scylle :
C’est tomber de fièvre en chaud mal :
Polyphème, étrange animal,
Nous fit à tous avoir la fièvre,
Il me fit courir comme un lièvre,
Et bien souvent de pur effroi
Il me semble que je le vois.
Mais l’homme de cœur tout surmonte.
Un jour que nous ferons le compte
De tant de beaux combats rendus ;
Nous rirons comme des perdus.
Le sort promet qu’en Italie,
Terre, à ce qu’on dit, fort jolie,
Nous aurons un jour du repos.
Il ne saurait plus à propos
Ce signalé plaisir nous faire :
La mer commence à nous déplaire,
Nous avons trop fait les plongeons,
Il vaut mieux bâtir des donjons,
Et faire une nouvelle Troie
Qui sur mer enfin ne se noie.
A moins que d’être un cormoran,
Je gage que le Juif errant
N’a pas fait un plus long voyage ;
Mais il faut avoir bon courage.
Çà, buvons donc, et nous gardons
Pour les biens que nous attendons."
Il leur fit ce discours de bouche,
Mais, comme on dit, le cœur n’y touche ;