Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il ne rit que du bout des dents,
Et tout de bon pleure au dedans.
Lors chacun se met en besogne,
Chacun quelque instrument empoigne
Pour travailler pour le festin.
Tous réjouis de leur butin,
Les uns de leur peau les dépouillent,
Et les autres dans leurs corps fouillent,
En tirent tripes et boyaux,
Les lavent en deux ou trois eaux,
Puis en font de grosses saucisses :
S’ils avaient jusqu’à des épices,
Puisque Virgile n’en dit mot,
Qui comme on sait n’est pas un sot ;
Noble et discret lecteur vous plaise
Permettre aussi que je m’en taise.
Retournons à nos cuisiniers.
Après avoir mis par quartiers,
Par aloyaux et charbonnées,
Ces sept bêtes assassinées,
Ils mirent la viande au feu,
Puis l’un trop cuit, l’autre trop peu,
Couchés sur la gaie verdure
Ils en firent déconfiture,
Et se remplirent à foison
De vin vieil et de venaison.
Si bien burent, si bien mangèrent,
Que la plupart s’en dévoyèrent,
Enfin, après avoir dîné
Jusqu’à ventre déboutonné,
Ils se mirent à tue-tête
A discourir de la tempête :
L’un pleure Cloanthe et Lycus,
L’autre Gyas, l’autre Amicus,
L’autre à son compagnon raconte
Comme quoi se perdit Oronte.
— Ils auront gagné quelques ports,
Ils ne sont pas encore morts,
Disent quelques-uns ; quelques autres
Disent pour eux leurs patenôtres.