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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/235

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Que je ferai tomber sur eux ;
Fera peur aux plus valeureux.
Horrible sera la tempête
Dont je prétends troubler la fête,
Car le tonnerre grondera,
Grosse grêle s’y mêlera,
Et l’obscurité sera telle
Qu’on aura besoin de chandelle.
Les Tyriens se cacheront,
Et les Troyens, comme ils pourront.
Pour éviter pareille pluie,
Il n’est personne qui ne fuie,
Et qui n’aille, pour se cacher,
Sous un arbre ou sous un rocher,
Sans songer si, durant l’orage,
La reine marche à sec ou nage.
Votre Enée, avec ma Didon,
S’enfuiront, de grande randon,
Se nicher dans une caverne,
Et lors, je veux bien qu’on me berne,
S’ils sortent comme ils sont entrés.
Je vous les rends enchevêtrés
D’un lien qui tient comme teigne,
Et, si ma Didon n’est brehaigne,
Dans neuf mois on verra sortir
De leur fait un Infant de Tyr."
Ainsi parla du ciel la dame.
 « Vous êtes une brave femme »
Dit Vénus, riant en son cœur.
Après ce compliment moqueur,
Les deux dames se saluèrent,
Et puis après se séparèrent ;
Vénus alla voir sa Paphos,
Et Junon tira vers Samos,
Pour assister une accouchée
D’un embryon bien empêchée.
Le lendemain, au point du jour,
Tout fut en rumeur à la cour :
La jeunesse phénicienne,
Chacun avec son chien ou chienne,