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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/245

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Que Didon et le Phrygien
Scandalisaient les gens de bien,
Ce prince du pays libyque
Comme un amant bientôt se pique,
Et qu’il avait l’esprit hautain,
Crut qu’il n’était rien plus certain.
Il s’en alla tout en colère
Au temple s’en plaindre à son père.
Voici les discours qu’il lui tint,
Les yeux pleurants, pâle le teint,
Et les mains vers le ciel haussées,
L’une dans l’autre entrelacées :
"O grand Jupiter ! révéré
Du Maure au grabat peinturé,
Et qui pourtant n’as grande cure
Du Maure ni de sa peinture,
Quoique le Maure en vérité
Boive souvent à ta santé,
Ton tonnerre et tes pétarades,
Ne sont donc que fanfaronnades,
Et tout le bruit qu’au ciel l’on fait
N’est rien que du bruit sans effet ?
Quoi ! le bon qui te sacrifie,
Et le méchant qui te défie,
N’en seront donc ni pis ni mieux ;
Et la terre, au-dessous des cieux,
N’aura que le désavantage
D’être plus basse d’un étage ?
Et moi qui te sers nuit et jour,
Et la Didon qui fait l’amour,
Mériterons de même sorte,
Si bien, Jupiter, qu’il n’importe
De faire bien, ou faire mal,
Auprès de toi tout est égal !
Une Didon, une coureuse,
S’en vint, en faisant la pleureuse,
Nous demander place à bâtir :
Cette fugitive de Tyr,
Qu’en ce rivage nous reçûmes,
Et dont compassion nous eûmes,