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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/246

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Est éprise d’un autre gueux,
Qui se fait nommer le Pieux ;
Cet autre Pâris, cet Enée,
Avec sa troupe efféminée,
Comme une donzelle acoutré,
Poudré, frisé, fardé, mitré
D’une toque méonienne,
Avec cette Sidonienne
Tout ouvertement fait dodo,
Et, comme on dit, vit à gogo.
Ainsi par cette bonne dame,
Cependant que je te réclame,
Je me trouve amoureux cornu,
De quoi je te suis bien tenu.
A d’autres, Jupiter, à d’autres !
Si sur les sacrifices nôtres
Tu fondes tes meilleurs repas,
Ma foi, tu n’engraisseras pas.
De mes victimes assommées,
Et de mes lampes allumées
Je suis fort mal récompensé
Vraiment, si je l’eusse pensé,
Je n’eusse pas perdu ma peine,
Et mainte vache, et bête à laine,
Seraient encore dans leur peau
A faire honneur à mon troupeau."
Cette harangue bien sensée,
Ainsi chaudement prononcée,
Fit tout l’effet qu’elle devoit.
Seigneur Jupiter, qui tout voit,
Vit le monsieur et la madame
Qui s’appelaient : Mon cœur, mon âme,
Et l’un de l’autre embéguinés
Sans cesse se riaient au nez,
Sans se mettre beaucoup en peine,
Autant Aeneas que la reine,
S’ils faisaient les gens caqueter.
Cela fâcha bien Jupiter.
Il appela son fils Mercure,
Bâtard de gentille nature,