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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/256

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Ce qui te fut en moi de cher,
Ne peuvent donc t’en empêcher,
Ni Didon, de la mort si proche,
Ame de bronze, cœur de roche ?
Et tu veux partir en hiver,
Comme ne pouvant t’arriver
Un plus grand mal que ma présence !
Hélas ! celui de ton absence
Est d’autant plus cruel pour moi
Que je ne puis vivre sans toi ;
Car tant mon malheur est extrême,
Tout méchant, tout cruel, je t’aime.
Cependant, perfide, tu pars
Pour un chemin plein de hasards.
Si c’était pour aller à Troie,
J’y consentirais avec joie ;
Mais tu t’en vas, et tu ne sais
Pour quelle raison tu le fais,
Si ce n’en est une assez forte,
De me voir bientôt raide morte.
Demeure donc, tu feras mieux :
Je t’en conjure par mes yeux,
Qui furent pour toi pleins de charmes
Et ne le sont plus que de larmes ;
Je t’en conjure par la main
Que tu m’as donnée, inhumain,
Par la main que tu m’as donnée
En signe de notre hyménée,
Le seul bien qui me peut rester,
Et pourtant que tu veux m’ôter.
Si cette raison est peu forte,
Ne m’aime plus, il ne m’importe,
Mais prends pitié d’une maison
Que tu perds par ta trahison.
Demeure donc, cruel Birène,
Ou que le grand diable t’emmène !
Pour toi des peuples libyens,
Et, je l’ose dire, des miens,
Des Tyriens je suis blâmée ;
Par toi je suis sans renommée,