Aller au contenu

Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/255

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

D’une Thyade ayant du vin,
Quand, pleine de ce jus divin,
Durant la triennale orgie
Dont la fête a tant d’énergie,
Bacchus, des dieux le plus grand fou,
Entre dans son corps, par son cou,
Ou, si l’on veut, par son derrière,
Je n’en sais pas bien la manière ;
Mais bien que ce fougueux démon
Se rend maître de son poumon,
La fait hurler comme une bête,
La fait crier à tue-tête,
Comme on fait après un larron
Sur le sacré mont Cithéron,
Portant mal le vin qui l’emporte,
Et montrant tout ce qu’elle porte :
Ainsi, la reine ayant pleuré,
Gémi, sangloté, soupiré,
Sué de chaud, tremblé de fièvre,
Tordu ses doigts, mordu sa lèvre,
Plombé son sein, ses yeux poché,
Ses cheveux noirs bien arraché,
Ses deux fesses bien souffletées,
Et ses servantes maltraitées,
Elle alla trouver de ce pas,
Marchant en folle, sans compas,
Le vénérable fils d’Anchise,
Et l’entreprit en cette guise :
"O des fripons le plus fripon,
Franc soudrille, grippe-chapon,
Homme sans honneur et sans âme,
Je vais bien te chanter ta gamme !
Tu l’as donc espéré, méchant,
Et qui de moi te vas cachant,
De faire sans moi ta retraite,
Peut-être en larron, ta main faite ;
Et la faire à notre déçu,
D’où l’on t’avait si bien reçu ?
Quoi ! l’amour que tu m’as jurée,
Ma main dans la tienne serrée,