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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/283

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Mais courir hasard du trépas,
Reviendrait bientôt sur ses pas.
Ils iront la tête baissée ;
Mais, leur colère étant passée,
Ils s’en reviendront tout ainsi
Que l’on a fait à Juvisy.
Ah ! plutôt, reine malheureuse,
Sans faire tant de la pleureuse,
Va te pendre sans hésiter.
Il n’est plus temps de se flatter,
Toute espérance étant perdue ;
Tu plairas peut-être, pendue
Les hommes ont d’étranges goûts,
Et les grands seigneurs plus que tous.
Qu’est-ce donc que tu veux attendre ?
Encore une fois va te pendre ;
Tu te pendras fort justement.
Quand on s’est pendue un moment,
On ne veut plus faire autre chose.
Et toi, de mon malheur la cause,
Sœur Anne, qui me le peignis
Aussi charmant qu’un Adonis,
Et qui, de mes larmes touchée,
Me rendis si fort débauchée
Que les poètes en diront
Peut-être plus qu’ils ne sauront,
Je ne me verrais pas moquée,
Ni comme une sotte escroquée,
Si j’avais suivi ma raison
Et moins cru mon échauffaison,
J’aurais observé mon veuvage
Sans faire un second mariage ;
J’aurais sans reproche vécu
Sans faire après sa mort cocu
Défunt Sichaeus, mon pauvre homme :
Toutes les fois que je le nomme,
Je sens mon cœur tendrifier
Et mes yeux humidifier.
Oh ! que te voilà diffamée,
Femme d’homme trop affamée !