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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/318

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Et m’emporte moi-même aussi
D’avoir gens faits comme ceux-ci !
Pour le premier prix passe encore !
Mais comme une lourde pécore.
Arriver au but le dernier,
Ah ! c’est assez pour renier.
Je n’ai garde, ô sire Neptune !
De porter aucune rancune
A celui qui sera vainqueur ;
J’y consens et de tout mon cœur.
Tu peux bien à ta fantaisie
Faire à qui tu veux courtoisie ;
Mais pourtant, si c’était à moi,
J’oserais bien jurer, ma foi,
Que ton Altesse Maritime
De mon présent ferait estime.
Mais au moins, grand Dieu Marinier,
Que je ne sois pas le dernier !
C’est à vous, madame Chiorme,
D’empêcher cet affront énorme ;
Ramez donc comme gens de bien,
Ou tout est… vous m’entendez bien."
A cette harangue énergique,
Chacun de bien ramer se pique ;
En moins de rien tous ces truands
De secs devinrent tout suants,
Et si fort leur grossit l’haleine
Qu’ils ne respiraient plus qu’à peine.
La chiourme fit grand effort :
Qui s’en fût plaint eût eu grand tort ;
Ce que voyant messer Sergeste,
Il voulut jouer de son reste,
Et se couler le long du roc ;
Sa galère aussitôt fit croc,
Et puis crac ; le bout de la proue
Se fracasse tout et s’échoue.
On entendit avec effroi
Hurler un : « Dieu soit avec moi ! »
Plus de vingt rames se cassèrent ;
Deux cents hommes se renversèrent