Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/34

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N’avez-vous point vu par ici,
De quoi je suis en grand souci,
Quelques-unes de me compagnes,
Qui vont chassant dans ces campagnes,
Après un cerf qui va fuyant ? "
Il répondit en bégayant :
"Je n’en ai vu tête ni queue,
O belle à la prunelle bleue,
Belle que je ne puis nommer,
Belle qui m’avez pu charmer,
Par je ne sais quelle lumière,
Que vous avez dans la visière !
Ah ! par ma foi, j’en suis ravi ;
Maudit soit si jamais je vis
Face qui m’ait plu davantage !
La male peste, quel visage,
Et que qui vous regardera
Sans cligner, impudent sera !
Vous sentez la Dame divine,
J’en jurerais sur votre mine ;
Mon nez ne se trompe jamais
En ce qui sent bon ou mauvais.
Votre gousset et votre haleine
Ne furent jamais d’Africaine,
Ils ont je ne sais quoi du ciel,
Votre bouche exhale le miel,
Ou vous êtes une Déesse,
Ou du moins nymphe, ou je confesse
Que je puis aussi n’être pas
Le pieux Messire Aeneas.
Les vents m’ont en cette contrée
Donné malgré mes dents entrée.
Daignez-moi dire, au nom de Dieu,
S’il fait sûr pour nous en ce lieu,
Et me faites l’honneur de croire
Que vous aurez bien de quoi boire
— Je ne suis pas, en vérité,
D’une si haute qualité,
Dit Vénus, mais votre servante
— Ah ! vous êtes trop obligeante,