Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/35

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Ce dit-il, et j’en suis confus.
— Et moi, si jamais je la fus",
Ce dit-elle ; et lui de sourire,
Disant : « Cela vous plaît à dire. »
Puis sa tête il désaffubla ;
Ses deux jarrets elle doubla
A lui faire la révérence,
Il fit une circonférence
Du pied gauche à l’entour du droit ;
Et cela d’un air tant adroit,
Le pauvre fugitif de Troie,
Que sa mère en pleura de joie.
Enfin tous ces devoirs rendus,
A l’un et l’autre si bien dus,
D’une bouche sentant l’eau rose,
Elle lui dit : "C’est une chose
Ordinaire aux Dames de Tyr,
D’aimer la chasse et se vêtir
De même que je suis vêtue,
De courir à bride abattue,
Et sans faire trop de façons
De vivre comme des garçons.
C’est ici la terre punique,
Le peuple en est fort colérique
Qui de Tyr qu’Agénor fonda,
En cette contrée aborda,
Avecque Didon notre Reine,
Que la tyrannie et la haine
De son frère Pygmalion,
Pire qu’un tigre et qu’un lion,
Contraignit de plier toilette
Et de déloger sans trompette,
Un pied mal chaussé, l’autre nu ;
En ce rivage peu connu
Les dieux lui donnent un asile ;
Elle y fait bâtir une ville.
Si ce n’est vous importuner,
Et que vous vouliez vous donner
La patience de m’entendre,
J’aurai plaisir de vous apprendre