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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/352

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La méchante déesse Iris,
Ayant donc cette forme pris,
Se mit piteusement à dire
Ces mots qui ne sont pas pour rire :
"Pauvres gens qui vos jours passez
Sur des vaisseaux demi cassés,
Pauvres femmes, pauvres coureuses,
Serez-vous toujours malheureuses ?
Oh ! que bien moins vous le seriez,
Si devant vos murs vous aviez
Eté, par les mains des Dolopes,
Mises au royaume des taupes,
Au lieu qu’être toujours en mer,
A mourir de faim, à ramer,
Loin du benoît plancher des vaches,
Tristes habitants de pataches,
Où les punaises et les poux
Ont fort peu de respect pour nous,
Est une vie infortunée,
Autant que d’une âme damnée !
Sept ans sont passés, peu s’en faut,
Que, souffrant le froid et le chaud,
Battus de vents et de tempêtes,
Conduits par le nez comme bêtes ;
Nous cherchons le pays latin,
Que promet, dit-on, le Destin
A notre maudit capitaine :
En eût-il la fièvre quartaine !
Et, sans nous tourmenter ainsi,
Que ne demeurons-nous ici ?
Et qui nous empêche de faire,
Au pays d’Eryx notre frère
Et d’Acestes notre parent,
Qui nous servira de garant,
Une belle ville murée,
De nous si longtemps désirée,
Où nous passerons mieux le temps,
Que parmi les vents inconstants ?
Oh ! nos Dieux de notre patrie,
En vain sauvés de la furie