Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/36

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Son histoire, dont aisément
On ferait un fort beau roman.
— Volontiers, belle Tyrienne,
Et je vous conterai la mienne,
Qui, je gage cent carolus,
Vaut bien la vôtre et même plus.
— Nous verrons, répondit la belle.
Didon fut l’épouse fidèle
De l’infortuné Sicheus,
A qui, plus traître que Breus,
Pygmalion le sanguinaire,
Comme il récitait son bréviaire,
D’un coup d’arquebuse à rouet,
Action digne du fouet,
Fit un trou dans le mésentère ;
Son épouse s’en désespère,
En fait faire information ;
Mais de cette noire action
Elle n’eut aucune nouvelle,
Tant le meurtrier infidèle
Sut tenir son crime secret :
La pauvrette en meurt de regret,
De ses tresses, lors mal peignées,
Elle arrache maintes poignées,
Se prend aux Astres innocents,
La rage maîtrise ses sens.
Une nuit qu’elle pleure et crie,
Et pour le pauvre défunt prie,
Elle le voit percé de coups,
Et tout sanglant, ce pauvre époux,
Qui, d’une voix épouvantable,
Lui conte l’acte détestable,
Et que son frère avait grand tort
De l’avoir ainsi mis à mort,
Pensant par cette injuste voie
Avoir son or et sa monnoie.
Didon lui donna le bonsoir,
Parce qu’elle avait, à le voir,
Une frayeur extraordinaire :
Elle dissimula l’affaire,
Et