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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/372

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Traînaient un ancien Triton
Qui donnait aux autres le ton
D’une coquille recourbée :
Sa face était toute plombée
Du trop grand effort qu’il faisait.
Phorque un escadron conduisait,
Monté sur dauphins dont la queue
Se retroussait sur l’onde bleue ;
Thétis à la main gauche était,
Qu’une grosse sole portait.
Dame Mélite était juchée
Sur une raie enharnachée ;
Et Panopée, en un traîneau
Tiré par un gros maquereau,
Paraissait en vraie épousée.
Un esturgeon portait Nésée :
Un évêque-marin, Spio,
Et Thalie, une poule d’eau,
Et Cymodocé la dernière
Montait un oiseau de rivière :
Telle fut la procession
De l’aquatique nation.
Aeneas, voyant la bonace,
Fit une certaine grimace
Qu’il faisait ordinairement
Quand il avait contentement
De quelque affaire bien douteuse.
La flotte ne fut pas oiseuse
A profiter du temps serein ;
Les vaisseaux allèrent beau train.
Quand on eut donné tous les voiles,
Le vent, s’engouffrant dans les toiles,
Donne le loisir aux forçats
De reposer leurs membres las.
Palinurus, le bon pilote,
Vogue à la tête de la flotte ;
S’il tourne à gauche, ou bien à droit,
Chacun le suit, chacun le croit,
A cause qu’il joint la science
A plusieurs ans d’expérience.