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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/373

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Le temps ainsi tout radouci
Des vaisseaux chassait le souci.
De la vénérable chiorme,
Il n’est personne qui ne dorme :
Couchés de leur long sur les bancs,
Ils donnent relâche à leurs flancs,
Dont ils ont la santé troublée
Par la secousse redoublée ;
Et puis l’excès de travailler
Aide fort à bien sommeiller.
Tandis que chacun dort et ronfle,
Que le vent tous les voiles gonfle,
Et que les pilotes pour tous.
Exercent leurs yeux de hiboux,
Un Dieu léger comme une plume,
Qui dort aussi fort qu’une enclume,
Le Sommeil, qui ressemble fort
A sa sœur Madame la Mort,
Qui craint le jour et les chandelles,
Et ne fait nul bruit de ses ailes,
Qui fait quelquefois prou de bien,
Mais ici qui ne valut rien,
Et fit un tour de méchant homme,
Ce Dieu, dispensateur du somme,
Vint, depuis le haut jusqu’en bas
Ressemblant à certain Phorbas,
Faire pièce au bon Palinure.
Sous cette traîtresse figure,
Le bon pilote il approcha,
Et ce discours lui décocha,
D’une langue aussi dangereuse
Que d’une bête venimeuse :
"Vous dormiriez bien un petit,
Vous en avez bon appétit,
Dites-moi le vrai, Palinure.
Tandis que la bonace dure,
Donnez-vous un peu de sommeil ;
J’aurai jusqu’à votre réveil
Soin qu’aucun désordre n’arrive.
— Quelque ignorant votre avis suive,