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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/375

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Se mit à rire comme un fou,
Le laissant boire tout son soûl.
Après l’action meurtrière,
Ce bon Dieu, qui ne valait guère,
Sans faire de bruit, secouant
Ses deux ailes de chat-huant,
Se perdit dedans les ténèbres,
Où quantité d’oiseaux funèbres,
Qui le suivent partout en corps,
L’attendaient comme des recors.
La nef, ainsi dépatronnée,
Et mêmement détimonnée,
Ne laissa pas d’aller son train,
A cause que le temps serein
Promis par le père Neptune
La sauvait de toute fortune.
Certain vent pourtant qui régnait,
Dans des écueils que l’on craignait,
Fort renommés par les Sirènes,
Dont l’on conte mille fredaines,
La portait petit à petit,
Quand messire Aeneas sentit,
Ou que son pilote était ivre,
Ou qu’il avait cessé de vivre,
Et, si Dieu n’y mettait la main,
Qu’il était en mauvais chemin.
Il s’en alla, le cœur en glace,
Chercher Palinure en sa place :
Il vit, ô regrets superflus !
Que Palinure n’était plus,
Et que lui, Monseigneur son maître,
S’en allait aussi cesser d’être.
Ses vaisseaux voguaient à tâtons,
Ainsi qu’aveugles sans bâtons ;
Et la périclitante flotte
S’en allait faire de la sotte,
Et se fracasser à travers
De force écueils des flots couverts.
Déjà le murmure de l’onde,
En ce lieu-là qui toujours gronde
(