Aller au contenu

Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/374

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Pour moi, je ne le suivrai pas,
Ce dit-il au fourbe Phorbas,
Ayant peine à lever sa tête ;
Car alors cette male bête
Le sollicitait grandement
De dormir un petit moment.
Vous n’avez pas trouvé votre homme,
De croire que je fasse un somme,
Et que je me laisse attraper
Au temps qui ne fait que tromper.
Et que dirait messire Enée,
Qui m’a sa flotte abandonnée,
Si je dormais comme un pourceau
Près de la mort dans un vaisseau ?
Chien échaudé craint la cuisine
Ainsi que je fais la marine."
Finissant son petit sermon,
Il ne quitta point le timon.
Le Sommeil, voyant à sa mine
Qu’il avait éventé la mine,
Et que contre un si fin niais
Il fallait un autre biais,
Avec un certain dormitoire
De couleur blanche, grise ou noire,
Car on ne l’a jamais bien su,
Il frotta sans être aperçu,
Les temples du pauvre pilote,
Qui, sans plus songer à la flotte,
Tomba, dormant comme un pourceau,
Tout à plat dessus son vaisseau,
Et le Sommeil impitoyable
Saisit au corps le misérable,
Et précipita, chef premier,
Le timon et le timonnier.
Il cria faisant la cascade :
 « A moi Phorbas, cher camarade ! »
Mais le Sommeil se déphorba,
Alors que son homme tomba,
Et, voyant qu’il faut qu’il se noie,
A moins de nager comme une oie,