Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/39

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Chassé tout ainsi qu’un vilain."
Vénus, le voyant en beau train
D’injurier la Destinée,
Comme mère passionnée,
Ne put le voir ainsi pleurer,
Se plaindre et se désespérer ;
Mais, pour lui redonner courage,
Elle lui tint ce doux langage :
"Vous n’êtes pas homme de rien,
Ou ma foi je me trompe bien ;
Mais, qui que vous soyez, beau Sire,
J’ai quelques choses à vous dire,
Qui de ces funestes propos
Vous tireront fort à propos.
Prenez une chemise blanche,
Aussi bien nous avons dimanche ;
La vôtre et ce mouchoir noué
Semblent le linge d’un roué.
Allez voir Didon dans sa ville :
C’est une Dame très civile,
Qui vous donnera de sa main
De quoi passer votre chemin.
Si j’ai le don de bien connaître,
Par les choses qu’on voit paraître,
Ce que les choses deviendront
Et du succès qu’elles auront,
Si mes parents m’ont bien instruite,
Voyez-vous cette longue suite
De cygnes, qui volent là-bas ?
— Non, dit-il, je ne les vois pas.
— La male peste soit la bête !
Dit-elle en lui tournant la tête ;
Tenez, les voilà vis-à-vis.
— Ce sont oisons, à mon avis,
Dit Achates. — Que vous importe,
Oisons ou cygnes, diable emporte !
Vous me feriez bien enrager."
De peur de la désobliger,
Il ne contesta pas la chose.
Elle, rouge comme une rose,