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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/395

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Sans m’importuner davantage,
Allez donc, si vous êtes sage,
Chercher ce rameau précieux.
Employez-y tous vos deux yeux,
Car, tout fin qu’on vous croit, peut-être
Ne le pourrez-vous reconnaître,
Eussiez-vous autant d’yeux qu’Argus,
Plus pénétrants et plus aigus :
Tout dépend de la destinée,
Autrement, monseigneur Enée,
Cherchassiez-vous jusqu’à demain,
Une bonne serpe à la main,
Votre serpe bien affilée,
Ainsi comme elle était allée,
Reviendrait sans avoir tranché
Ce rameau d’or si bien caché.
Mais, si le destin vous l’ordonne,
Ce rameau fatal, en personne,
A vos yeux d’abord brillera,
Et votre main le cueillera,
Comme elle cueillerait sans peine
Un petit brin de marjolaine.
Mais, au lieu de m’interroger,
Vous feriez bien mieux de songer
A mettre dans la sépulture
Un corps qui tend à pourriture,
Un de vos amis raide mort,
Et lequel put déjà bien fort :
Son âme en est inquiétée,
Et la flotte tout infectée.
Allez donc la purifier,
Et ce grand malheur expier
Par sacrifices salutaires.
N’allez pas gâter vos affaires
Pour épargner quelques brebis,
Et quelques ora pro nobis.
Lors vous pourrez là-bas descendre
Sans que mal vous en puisse prendre.
Sans qu’on vous dise : Qui va là ? "
Elle se tut, après cela.