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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/396

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Aeneas lui tourna l’échine,
Faisant une piteuse mine,
Ayant l’esprit embarrassé
Et de cet ami trépassé,
Et du rameau dont la Sibylle
Faisait un cas si difficile ;
Puis il sortit de l’antre obscur
Fort inquiété du futur.
Je suppose que la Cumée
Fut en un instant renfermée.
Cependant, tout triste et pantois,
Il s’en allait rongeant ses doigts ;
Achates suivait son altesse,
Laquelle lui disait sans cesse :
"Qui diable est donc cet homme mort,
Qui sent déjà mauvais si fort ? "
Achates lui répondit : "Sire,
Je ne vous en saurais rien dire,
Je n’en ai rien vu ni rien su."
Là-dessus d’eux fut aperçu.
Misènus, descendant d’Eole,
Couché sans vie et sans parole,
Et, qui pis est, sans vie aussi.
Aeneas, le voyant ainsi
Tout prêt de devenir charogne,
Dit : "Elle a raison, la carogne.
Voilà Misènus raide mort,
Si par grand bonheur il ne dort ! "
Ce Misènus était trompette,
Petit homme au nez de pompette,
Qui ne portait point de braguier,
Quoique les gens de ce métier
Pour sonner trop fort leurs buccines
Ayent besoin de ces machines.
Il fut le trompette autrefois
D’Hector, à dix écus par mois,
Et deux paires de bas de chausse ;
Et comme à la fin tout se hausse,
Aeneas par an lui donnait
Deux cents francs, et l’entretenait