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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/403

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Fut porté devant ce bon Sire.
Ce fut ce que je vous vais dire :
Sa hallebarde et son pavois,
Dur, bien qu’il ne fût que de bois ;
Son échiquier, son trou-madame,
Un bourdon garni de sa lame,
La tasse en laquelle il buvait,
La dague dont il se servait
Quand il voulait tuer le monde,
L’aviron dont il fendait l’onde,
Sa cuirasse, son casque aussi,
Ses bottes de cuir de Roussi,
Et son gagne-pain, sa trompette,
Dont la voix était claire et nette.
Le tout fut si bien arrangé
Qu’un trophée en fut érigé
Et ce lieu, du nom de cet homme,
Mont Misène aujourd’hui se nomme.
Cela fait, ce ne fut pas tout
Aeneas, pour venir à bout
De son dessein si difficile,
Par les ordres de la Sibylle
S’en alla vers un trou puant,
Entouré d’un marais gluant,
A couvert du soleil, par l’ombre
D’un bois épouvantable et sombre.
Ce trou-là, que je vous ai dit,
Trou, s’il en fut jamais, maudit,
Est l’Enfer, qu’il ne vous déplaise :
Si quelque corneille niaise,
Quelque pigeon, quelque corbeau,
Il n’importe pas quel oiseau,
Sur ce pertuis pestilent vole,
Il perd le souffle et la parole
(Je voulais dire le siffler),
Qui pis est, il perd le voler,
Et, de cet air infect qu’il perce,
Trébuche à terre à la renverse ;
Que, s’il en reçoit quelque ennui,
Il ne s’en doit prendre qu’à lui.