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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/424

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Didon, la pauvre Tyrienne,
Pour lui chaude comme une chienne ;
Mais l’honneur et son caveçon
Le rendit pour elle un glaçon.
Il eût évité sa rencontre,
Mais pourtant, se trouvant tout contre
Et ne pouvant plus reculer,
Il jugea qu’il fallait parler :
"O belle, en qui souvent je pense,
Cria-t-il, perdant contenance,
On dit donc vrai, quand on me dit
Que Votre Altesse, de dépit
De ce que je l’avais laissée,
S’était la poitrine percée ?
Sur ma foi, vous eûtes grand tort,
Car un vivant vaut bien un mort :
Pour moi, je ne voudrais pas faire
Un acte à l’homme si contraire.
Vous auriez fait plus sagement
Si vous aviez fait autrement.
Ce qui me choque en cette chose,
C’est qu’on m’a dit que j’en suis cause.
Pourquoi m’aimiez-vous tant aussi ?
Pour moi, je ne fais pas ainsi,
Je n’aime qu’autant que l’on m’aime ;
Me laisse-t-on ? je fais de même.
Quand les Dieux me firent savoir
Par Mercure qui me vint voir
Qu’il me fallait fuir de vitesse,
J’en pensai mourir de tristesse,
Car vous avez un cuisinier
Que je ne saurais oublier.
Avec vous je faisais gogaille,
Et j’étais comme un rat en paille ;
J’étais bien chaussé, bien vêtu,
Mangeais à bouche que veux-tu,
Je battais tous vos domestiques,
Et de présents fort magnifiques
Votre main au bras potelé
M’a souventefois régalé ;