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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/423

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A chaque coup qu’elles se donnent,
De frayeur froide elles frissonnent,
Et cette frayeur en Enfer
Fait bien plus de mal que le fer.
Tout auprès, de pauvres poètes,
Qui rarement ont des manchettes,
Y récitent de pauvres vers ;
On les regarde de travers,
Et personne ne les écoute,
Ce qui les fâche fort sans doute.
En la noire habitation
Il en est plus d’un million.
Comme à Paris, chose certaine,
Chaque rue en a la centaine
De ceux qu’on appelle plaisants,
Rimeurs burlesques soi-disant,
Du nombre desquels on me compte,
Dont j’ai souvent un peu de honte,
Et pour en avoir tant gâté,
Peur d’être en Enfer arrêté.
Reprenons nos âmes damnées.
Celles qu’amour a forcenées
En des champs de myrtes couverts,
Qui là sont noirs, et non pas verts,
Ressentent les rigueurs encore.
Du feu d’amour qui les dévore :
La Phèdre y traîne son licou,
Procris s’y cache, et fait le loup
Pour découvrir à quoi Céphale
S’amuse avec l’Aurore pâle ;
Et mille autres comme Evadné,
Eriphyle et Pasiphaé,
Laodamie, item Cénée
Jadis fille, et puis guerdonnée
Par l’humide Dieu du poisson
D’être jusqu’à sa mort garçon,
Mais après sa mort la pauvrette
De garçon redevint fillette.
Parmi ces bonnes dames-là,
Aeneas vit, et se troubla,