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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/430

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Grande peur que messire Enée
Ne causât toute la journée,
Et, partant, le temps limité,
Faute d’en avoir profité,
Ne se passât à ne rien faire :
"Ceci soit dit sans vous déplaire ;
Il ne fallait pas tant oser
Pour venir seulement jaser.
Finissez votre jaserie,
Et considérez, je vous prie,
Si c’est pour faire le piteux
Que nous sommes ici tous deux.
Ce chemin, qu’à droite on découvre,
Droit comme un fil conduit au Louvre
Qu’habite le seigneur Pluton ;
L’autre à la geôle, où maint glouton,
Pour avoir fait des cas atroces,
Est, par des bourreaux bien féroces,
Tourmenté le jour et la nuit."
La vieille ayant fait tant de bruit :
"O vieille patronne des gaupes,
Je rentre au royaume des taupes,
Ne fût-ce que pour ne voir pas
Votre visage de choucas."
Déiphobe, la chose dire,
Se mit habilement en fuite,
Car la vieille, qui s’échauffait,
Infailliblement le coiffait
De l’une et l’autre de ses pattes,
Sans doute aussi larges que plates.
Le chemin qui mène au manoir
Du roi d’Enfer, Pluton le noir,
Est celui des champs Elysées,
Où les âmes moralisées,
Ou, pour parler plus nettement,
De ceux qui bien moralement
Se sont gouvernés en ce monde,
Logent, sans trouver qui les gronde,
Sans y trouver de grands parleurs,
De créanciers, d’estocadeurs,